C’est l’été
le dernier jour de l’été
C’est l’été le premier jour
Friches jachères impasses et parcours
Nous passons
Sur tous les pas perdus venus déverser les objets affichés dans la réalité du fossé
Il y en a un qui venu du Kosovo sur son matelas regarde monter la Garonne
Un qui sous la tente récite des versets au téléphone
Il y a ceux qui sous le pont ajoutent des armoires, des fauteuils, des palettes et des miroirs pour faire de la berge un territoire
à soi
Des pas et des mains qui saluent à travers la portière
Clignotants et klaxons derrière la glissière
Et nos pas sur le territoire inculte
Et nos pas sur la terre goudronnée
au pied des pins serrés, au bord des acacias
Il y en a qui ont enterré plusieurs chiens déjà dans les courbures de leur vie
Et il y ceux qui laissent s’avancer seul le plus barbu devant l’étranger
Et ceux qui d’un regard lointain se réorganisent et détendent les fils de leurs relations d’araignées
Nous avançons dans les friches
Nous sommes perdus dans les daturas
faufilés dans les tunnels
sous nos semelles le ballast dessine un double horizon qui fuit la parallèle
Et nous quittons les rails
Sous les ponts nous marchons en oblique
Dans l’oreille l’écho des véhicules
nous recueillons dans nos paumes le creux des particules
Il y a ceux qui peignent et ceux qui cognent
Ceux qui ont des chèvres et ceux qui ont des chiens
Ceux qui ont des cabanes, des caravanes, des planches ou du carton
Ceux qui tiennent la place
Ceux qui ont choisi et ceux qui sont partis
Ceux qu’on a poussés hors de l’intérieur, guirlandes dénoncées, ours arrachés
la pagaille
Tous ceux qui savent circuler entre les territoires efficaces
Tous ceux qui ont empli les interstices du décor
pour se laver cuisiner dormir
Tous ceux qui ont déposé dans le creux de la voie le don chaud de l’intérieur
Tous ceux-là les habitants des confins
Ceux qui circulent et ne circulent pas le long des zébras
Ceux qui tirent ou ne tirent plus leur vie sur le chemin de halage
Tous ceux-là circonscrivent leur vie à la surface de la Terre
et moi je vis à l’intérieur
Ils sont ma frontière, ma peau ma chaire mon tympan qui résonnent à tout crash d’atmosphère
Texte passé sous une forme proche par « Périphstrip, la performance », au PUL, Toulouse, juin 2013
et par « Périphérique intérieur », Urbain, trop urbain, éd. Wildproject, 2014passé sous cette forme lors de « Périph’strip, le Tour operator », en bus Tisséo, Toulouse, septembre 2014
et par la performance « Les légendes périphériques » au Centre culturel Bonnefoy, Toulouse, octobre 2014