Grand et gris. Grand, gris et rempli de formes géométriques toutes prises dans le même grain. Long cylindre horizontal, rectangles en séries, lignes droites, cercles et grilles. Grandes, grises et figées. Des machines. Ponts, goulets, silos sans mesure et tamis suspendus. Plainte de gorge saccadée. Un goéland raille, peut-être deux. Ils font résonner la halle encombrée. Par des portes irrégulières, le son se propage dans les ateliers derrière, les magasins, un appentis, des docks, des tuyaux, un entrepôt dans l’enchevêtrement de la structure sans affectation. Tout ce métal pris. La gangue de ce qui ne coulera plus. Un escalier monte le long de la palissade et court sous des poutres se souvenant dans l’ombre de la charpente de la couleur de leur rouille. Une coursive passe au dessus d’un bassin circulaire. Hélice et axe immobiles. Plateforme imbriquée de chevrons. Un tapis n’y défile plus. Tambour grillagé. Une rumeur sourde se fait l’écho du progrès achevé. Une porte à franchir. Ici. Ici comme ailleurs et pas comme ailleurs. La mer mêlée au soleil. Un haut silo étroit barre l’horizon, flanqué de deux autres plus larges, suspendus, chacun terminé par un godet. Le cylindre en bas poursuit son tracé d’acier avec ses anneaux boulonnés. Des marches en spirales descendent le long de la paroi. Sable, roseaux et ajoncs reprennent leur territoire au sol encore traversé par deux rails de fer. Un grillage enferme, fragile, la bâtisse énorme. Le sens du vent s’est imprimé dans la pellicule de ciment déposée sur les croisillons. Il pourrait s’effriter sous la pulpe des doigts. Mais qui viendrait méditer ici, ici comme ailleurs et pas comme ailleurs, sur les relations de la route au rivage, du béton et de la plage, sur l’existence des matières premières et sur l’absence de passerelle ?
Texte prenant place dans le Tiers livre de François Bon, à l’occasion de l’atelier d’été, 2 | marcher dans la maison vide.