Au XVIème comme au XXIème siècle, sur fond de guerres de religions, la présence des humains sur Terre change de signification. Non pas seulement parce que les paroles dites divines circulent par de nouveaux médias aux effets imprévus et à chaque fois cruels— l’imprimé ou l’Internet prolongés par le fer ou la kalach selon le siècle, mais aussi parce que les nouvelles connaissances sur le cosmos déplacent les perspectives et les possibles avenirs.
Au XXIème siècle, les sciences et les techniques nous apprennent que, par incompatibilité climatique, la Terre des humains a peut-être une fin et que le cosmos, quoiqu’infini et multiple, reste inhabitable dans toute son immensité. Stupeur et frénésie. La Terre est notre unique habitacle.
Le XVIème a déjà vu la Terre se transformer, se mettre tourner, s’excentrer, de nouveaux continents apparaitre, une navigation entre les planètes s’imaginer. Le monde devenir infini, mouvant, irrégulier. Inouï. Entre l’effroi et la merveille, peinture, musique, sciences et architecture ont représenté la place nouvelle de l’homme dans le monde.
Côté chœur, la polyphonie, multipliée par la répartition des voix dans l’espace, fait des accords de passage, à savoir les plus dissonants, l’expression même du chant. Les voix se singularisent, la musique accorde sens au texte : émotions et analyses arrivent de concert aux oreilles des auditeurs. Du jamais vu, du jamais entendu. Baroque. XVIIème.
Côté cour, les émotions s’amplifient : lune, soleil, guerre, vent, orbes et firmaments prennent place dans les paroles des chants. Elles disent l’amour avec le gel et le feu, la détresse avec la nuit d’un paysage, l’effroi avec les accents de la guerre.
Et aujourd’hui que le massacre est notre capital commun et que notre décorum planétaire devient le personnage principal de notre scénario sur Terre… nous aurions dû chanter ces voix, renaissantes et baroques, à la recherche d’une sensibilité nouvelle, et qui ont trouvé la puissance de clamer jusqu’à notre jour sombre : VIVEZ JOYEUX !
— Suite aux attentats d’hier en France, décision a été prise d’annuler la représentation de l’ensemble À bout de souffle, qui ne donnera donc pas son spectacle Maintenant que le ciel… et ma voix crie mille fois —