mot de la zone : ville

J’AI FAIT TOMBER OUSMANE FALL

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Ousmane Fall, c’est à Sebikotane, commune du Grand Dakar, que je l’ai vu pour la première fois, dans les ruines de l’Université du Futur. Sur la plus haute plateforme. J’étais montée par l’un des quatre escaliers. Lui, par un autre. À chaque étage, parmi les gravas qui jonchaient le sol et devant les meurtrières qui laissaient voir des horizons de plus en plus larges et de plus en plus lointains, sa silhouette était à l’affût. Sur la dernière plateforme, la plus large, sans toit, un coffrage de béton écroulé. Les planches pâlies par le soleil tenaient encore des tiges de métal hérissées au milieu de la mollesse du béton figé au-dessus du vide. Des milans volaient au-dessus de nous. Le vent était chaud. C’est là que nous nous sommes rencontrés. Nous nous taisions, cherchant comment saisir par le langage, par la pensée, par nos sens la structure inachevée sur laquelle nous marchions, et déjà en ruine, et que le discours du progrès avait déjà lancé sur un projet nouveau. Des images arrivent, on tente de ralentir l’événement qu’on met d’ordinaire sous le mot de catastrophe, on tente de les faire coïncider avec ce qu’on a sous les yeux et sous les pieds. Nous nous taisions par convention aussi, le temps de reconnaître si l’un de nous était du Réseau.

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PORT-DE-BOUC SENTINELLE

 

Port-de-Bouc en son paysage est une ville sentinelle. Au front des matières, elle a dû choisir plusieurs fois déjà, ce qui pouvait rester et ce qui devait partir. Ce qui devait s’aménager et ce qui devait déménager. Cette ville bâtie aux avant-postes de l’ère industrielle, écoutons-la. Écoutons-la raconter la révolution des machines dans les vies, écoutons-la égrainer les immigrés venus ici pour travailler, écoutons-la chanter les humains qui se rassemblent en syndicats, en mutuelles, en foyers, en cercles ouvriers, en quartiers, en associations grecques, italiennes et gitanes, sur les deux places du marché et dans les soixante-dix cafés. Toutes ces voix d’hommes sur la voie publique, toutes ces voix de femmes au pied des immeubles, et ces enfants qui courent dans les allées. Port-de-Bouc n’entend plus les sirènes du progrès. Écoutons-la raconter les combats et les négociations entre le travail et la pollution. Écoutons-la compter le prix à payer de la sortie des industries. Écoutons-la respirer l’air qui l’inspire. Regardons-la sédimenter son inconstructible rivage. Écoutons son cœur battre pour un espace à récupérer sur la ruine du siècle dernier. Écoutons le bruissement incertain de ce qui lui arrive. Écoutons-la fabriquer un monde au jour le jour et qui sera bientôt le nôtre — ville au front, ville sensible, ville sentinelle qui joue pour nous, terriens, le pari d’un lendemain.

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qui l’eût crue !

Quand il pleut à verse et que l’eau monte. Surtout quand l’eau monte en fait — je me souviens. Je sors mes photos et je me souviens. La Louisiane. On y est allé enquêter cet été sur des paysages en voie d’extinction…

C’est parti on the road again here we are, on the L A one. C’est là qu’ils nous ont dit de venir, sur l’ancienne L A One. Mais la route sur laquelle on est, là, en fait, c’est la deuxième L A One, j’veux dire, c’est celle qui remplace la première.

La nouvelle LA ONE, Louisiana 2016, © zoneclaire pour Urbain, trop urbain

La nouvelle Louisiana Highway ONE, Louisiana 2015 © zoneclaire

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partir à 5 am

 

Go on à attraper le soleil 5 am j’enfourche le vélo jamais attaché et vers l’est vers l’est n’importe quelle route Claiborne ou Saint Claude suffit de trouver un pont qui à gauche encore à gauche et tout droit et là le pont pas levé ses poutres d’acier rythment les hangars et moi sweaty déjà sous la chemise où s’engouffre le vent léger qui ne suffit pas à rafraichir ni à balancer les arbres pas verts encore car lumière trop nuit mais le halo s’étend là-bas avant la chaleur sur tout le jour et tout ce monde qui se lève tôt en bagnole ils passent de quarter en quarter dans la pénombre des fenêtres allumées des façades pas roses pas bleues pas jaunes encore quand il y en a des maisons ce qu’il en reste des baraques > Lire la suite

Plus tard

 

La ville c’est des collectifs neufs
derrière un talus par dessus le mur au West lointain
au bord d’un parc
ceux qui tanguent sur des fils tendus entre des érables jaunes
celle qui jongle sous un érable rouge
celui dont le visage porte le temps du Sacré-Cœur lorsqu’il était encore posé sur la terre

Les intérieures © Uttarayan  pour Periph'strip, Urbain, trop urbain, 2014

Les intérieures © Uttarayan pour Periph’strip, Urbain, trop urbain, 2014

 

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© zone claire 2015